Dorothée Gilbert, Danseuse Etoile

mai 23, 2013

Dorothee Gilbert
 
Le premier pas que j’ai posé dans l’univers de la danse fut le film Danse(s) que j’ai réalisé il y a 2 ans. Ce jour là, j’ai pris conscience que la danse réunissait de nombreuses facettes de la création qui me questionnaient. Le soir du tournage j’ai noté comme dans un inventaire à la Prévert, chaque mot qui me venait à l’esprit quand je pensais à la danse. Parmi ces mots, il y avait la lumière et le mouvement. Le corps, sa peau, ses plis de chair et ses muscles. La souffrance, la sensualité et le dépassement. La performance et l’excellence. La sculpture et la déformation. La culture et l’art. Depuis, la liste n’a cessé de s’allonger.
 
Dorothee Gilbert
 
Aujourd’hui, je retrouve Dorothée Gilbert, Danseuse Étoile de l’Opéra de Paris, égérie de la maison Repetto, qui répète avec Hervé Moreau, lui aussi Danseur Étoile, Prélude et Fugue, une chorégraphie de Jiri Bubenicek, dans le studio Noureev de l’Opéra Garnier.
 
Dorothee Gilbert
 
Ce qui m’intéresse ici c’est l’instant d’avant, celui de la préparation, de l’échauffement, l’instant qui précède l’évènement, l’instant qui devient l’événement.
Je repense à ces photos que je fais parfois dans les coulisses des défilés de mode, où je me retrouve face à une explosion de bruits, de couleurs, où tout vibre et se déplace avec fracas. L' »instant d’avant » devient alors synonyme de fureur, de vitesse et de stress. Ici, maintenant, dans ce studio au cœur de Paris, l’ordre des choses s’inverse. La solitude remplit la pièce, le silence est uniquement caressé par les frottements du tissu, qui se plie et se déplie.
 
Dorothee Gilbert
 
J’assiste à la chorégraphie lancinante de ces gestes mille fois répétés, qui se suivent et s’enchaînent, rythmés par d’amples respirations. La barre. Pliés, dégagés, jetés, ronds de jambe à terre, fondus, frappés, ronds de jambe en l’air, petits battements, grands battements, jambe sur la barre. Et on reprend. Pliés, dégagés…
 
Dorothee Gilbert and Herve Moreau
 
La scène de l’Opéra Garnier, baignée de lumière, de chaleur et d’applaudissements n’est qu’à quelques mètres et pourtant, à cet instant précis, elle paraît si loin. Quand je la regarde, je pense aux heures passées à répéter seule, à s’entraîner, à pousser son corps et son esprit dans des frontières insoupçonnées. Combien de livres lus, de chorégraphies apprises, les pieds pliés sous un radiateur pour donner la courbe parfaite à son coup de pied ? Combien de rouleaux de sparadrap déroulés pour panser les plaies ? Combien de larmes versées, de bonheur, de tristesse ou de frustration ?
 
Dorothee Gilbert
 
Je pense aux heures que j’ai passées dans les ateliers de joaillerie ou de haute couture et où j’ai pris conscience de la valeur d’un diamant ou d’une robe. Avant d’atteindre l’éclat subtil d’un sertissage de diamants ou la coupe parfaite d’une robe, des milliers d’heures passées à vouloir atteindre l’excellence, se sont succédé. Le temps passé, voila ce qui fait la valeur des choses.
 
Dorothee Gilbert and Herve Moreau
 
En regardant les pieds déformés de Dorothée, l’image des mains d’un de mes professeurs de sculpture me vient. Ces mains usées et caleuses, déformées par des années de coups de massette sur un ciseau qui vient frapper le marbre pour faire jaillir la beauté d’un corps. Ces pieds, déformés par les pointes et les heures de travail, me fascinent parce qu’ils sont porteur d’une histoire.
 
Dorothee Gilbert
 
Loin des fards de la scène et des défilés, il y a ces moments qu’on ne voit pas, ce travail que l’on n’imagine pas. Ces moments que je prends tant de plaisir à photographier.
 
Dorothee Gilbert and Herve Moreau
 
Dorothee Gilbert and Herve Moreau
 
Dorothee Gilbert and Herve Moreau

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10 Comments

  • Reply shalima mai 23, 2013 at 12:17

    Magnifique. Les photos, mais ton texte aussi, tu as su capter et transcrire un de mes moments préférés. Merci.

  • Reply Nicolas mai 23, 2013 at 3:35

    Simplement poétique ! Merci

  • Reply AlexiaL mai 23, 2013 at 4:52

    Il y a une sorte d’engouement général pour la danse classique, partout dans les pubs etc. en ce moment. Du coup ça en devient presque banal. Il y a les fétichistes des pointes, les femmes qui auraient aimé être petit rat mais qui n’ont pas réussi, ils y a ceux qui admirent comme moi en sachant combien la tâche est ardue. Les gens oublient que ça demande de l’abnégation, du travail, de la peine. et c’est bien de le montrer. Il y a beaucoup de gravité dans tes photos. C’est pas le tout de porter un beau tutu encore faut-il le mériter ce tutu… ;-)Je me souviens des nombreuses répétitions et ce que je retiens c’est le souffle et les frottements des chaussons contre le parquet…j’adorais…Ah oui et le bruit du chausson dans la colophane aussi

  • Reply nicole mai 23, 2013 at 8:00

    Beaucoup de poésie qui sert admirablement le charme et l’élégance.

  • Reply Dorothée Gilbert | LE PETIT RAT DE L'OPERA mai 27, 2013 at 9:44

    […] Dorothée Gilbert – Danseuse étoile […]

  • Reply maryophoto mai 28, 2013 at 2:52

    Pliés, dépliés, petit rond de jambes 🙂 Ce la faisait longtemps que je n’avais entendu ça. Très joli reportage comme toujours 🙂

  • Reply James juin 6, 2013 at 10:38

    shalima – Merci à toi pour le message.

    Nicolas – Merci !

    AlexiaL – Dans chacun des domaines dans lesquels j’ai travaillé, j’ai essayé de les aborder de l’intérieur, sans a-priori, sans cliché, avec un regard, autant qu’il peut l’être, vierge. La réalité est bien-évidemment plus passionnante que nombre d’histoires hollywoodiennes.

    nicole – Merci pour elle 🙂

    maryophoto – Pour moi c’était une première, mais pas une dernière. Merci à toi.

  • Reply stephan de Quiroz juin 27, 2013 at 7:14

    Simplement beatiful

  • Reply stephan de Quiroz juin 27, 2013 at 7:16

    Mercy pour mangnifiques photos

  • Reply Je danse - Elodie ralentit décembre 16, 2014 at 2:36

    […] Je vous laisse avec les jolies photos de James Bort présentant la non moins jolie danseuse étoile Dorothé Gilbert (d’autres photos disponibles ici). […]

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